lundi 15 septembre 2014

Libraire, dis-moi ton nom


La mort annoncée de la librairie 100 papiers à Schaerbeek est désolante. Tant pour les lecteurs que pour le quartier.  Trois ans à peine après son ouverture, la petite librairie de l’avenue Louis Bertrand sombre lentement mais sûrement, malgré  les efforts déployés pour résister à une concurrence implacable. Dont la principale porte le nom guerrier d’Amazon



Le nom, justement, on a beau vendre des livres, on ne s'en méfie jamais assez...

D’emblée, le choix du nom de cette libraire m’a paru maladroit. Une association de mots un peu facile, pour ne pas dire douteuse. Les sans-papiers se font pour la plupart expulser. Avec un nom si connoté, il ne faut dès lors pas s'étonner que la librairie schaerbeekoise se soit finalement retrouvée sur un siège éjectable. 


A l’autre bout de la ville, La licorne connait pour sa part un destin non moins reluisant. Si son nom ne la prédisposait pas à une disparition programmée, la licorne est, comme personne ne l’ignore,  une créature qui ne fait pas partie du règne animal, et, pour le dire franchement, qui n’a jamais existé. Par un cruel jeu de miroirs, la librairie du même nom n’existera elle-meêm bientôt plus,  en dehors de notre imagination. Tristesse. 


Au vu du destin balloté (c’est le moins que l’on puisse dire) de nos librairies bruxelloises, on se dit qu’il vaut encore mieux parfois miser sur un nom discret, un jeu de mots facile, qui ne trouble personne, du type ‘A livre ouvert’, ‘le rat conteur’ ou encore ‘Am stram gram’.  Pas de vagues, pas de bruit. pas de fureur.




D'autres se font plus remarquer en se la jouant  intello :  Candide. Très intello :  Ptyx.
Trop intello :  Tropismes.  Car ce premier roman de Nathalie Sarraute,  où cette librairie du centre-ville puise sa source, évoquait davantage des sentiments fugaces et volatiles, un état qui guette ce magnifique lieu de plus en plus à l'étroit dans les Galeries St-Hubert dévolues désormais aux nourritures essentiellement terrestres.

A ce propos, les références culinaires n'ont pas épargné certains commerces du livre, d'une façon élégante avec les yeux gourmands, ou alors prévoyante avec  Cook and book qui, mine de rien, assure ses arrières en plaçant dans son nom la cuisine devant le livre,  sait-on jamais...


Mais le plus fine d'entre toutes reste sans conteste la librairie Filigranes (et ses nombreuses déclinaisons 'outre-bruxelloises', de Knokke jusqu'aux confins de Megève). Une succes story dont le secret s'explique peut-être par son nom, et dans ses deux acceptations principales.  Un filigrane, c'est une marque, un dessin qui se niche au coeur même du papier (et que donc,  que on ne peut effacer. Bien vu.).
Mais c'est  aussi le nom donné au  fil de laiton qui,  au Moyen-Âge, entourait la poignée des sabres et des épées.
Et il faut bien ça pour combattre les amazones, guerrières de plus en plus assoiffées de culture bradée, prêtes à se couper un sein pour obtenir leur butin.