samedi 5 octobre 2013

La jambe détournée



L’histoire commence de l’autre coté de l’Atlantique, au Canada.  Rosea Lake, 18 ans, étudiante en design à l’Université de Capilano,  poste une photo sur son 'tumblr',  prise un an plus tôt, alors qu’elle était encore au lycée. Le travail demandé devait dénoncer le sexisme ambiant. Rosea a alors imaginé une jambe nue sur laquelle est dessinée une échelle reprenant graduellement une série de préjugés machistes liés à la longueur de la jupe. Allant de très court : 'prostituée', à très long : 'matrone'

A peine postée sur la toile en janvier dernier, cette photo a fait le buzz. Le post a reçu pas moins de 286.878 notes.  Interviewée dans le  journal local ‘The Province’ ,  Rosea explique sa démarche :  J’ai un jour réalisé que je regardais  une femme en short et je me disais : C’est un trainée’... Je pensais aussi que toutes les femmes qui portaient le  ijab (voile) étaient oppressées. J’ai réfléchi à cette tendance de slut-shaming - attitude qui consiste à relier un viol ou sa potentialité à la tenue vestimentaire -  et j’ai pensé qu’il était temps de créer un monde sans jugement.’




La photo appelée  ‘Judgment’  a ensuite été relayée sur Facebook par UniteWomen, une association féministe, et a fait le tour de plusieurs magazines féminins. 







Quelques mois plus tard, elle a fini par arriver en Belgique, dans d’autres mains, aux intentions bien différentes, celles du Vlaams Belang. Cette photo va alors se retrouver plagiée et associée à une campagne anti-islam, particulièrement ignoble.
‘Vrouwen tegen Islamidering’ met en scène  la sénatrice Vlaams Belang Anke Van dermeerch, ancienne  miss Belgique. La photo reprend l’idée de l’échelle sur une jambe, mais y associe cette fois d’autres grades, censés démontrer la façon dont les musulmans considèrent les vêtements des femmes, allant de très court 'bonne à être lapidée' à très long 'conforme à la charia' . Le tout assorti du sympathique slogan  ‘La liberté ou l’islam’. 
Un véritable plagiat assorti d'un détournement de sens, alors que la photo originale était avant tout un appel à plus de tolérance.
L’affaire est maintenant portée devant les tribunaux belges. L’avocat qui défend les intérêts de Rosea Lake, maître Abderrahim Lahlali, a assigné hier la sénatrice belge. D'ici quelques jours elle devra répondre  devant le président du tribunal d’Anvers pour atteinte aux droits d’auteur et usage abusif  de l’oeuvre d’art ‘Judgments’. Rosea Lake peut également compter sur le soutien de la styliste bruxelloise Rachida Aziz (Azira) qui a aidé l'artiste canadienne a venir se défendre en Belgique.  

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