mercredi 23 décembre 2015

Mont des Arts : Préférences 2015

Cinéma 



Ce film signé Antoine Cuypers percute, dérange et captive à la fois. 
Assurément, la révélation du cinéma belge de cette année.





Littérature
















Michel Lambert, Prix Rossel en 1988, a publié cette année "Quand nous reverrons-nous?", un recueil de nouvelles bouleversantes de justesse, portées par une écriture fine et précise. 






Théâtre














Elisabeth 2 de Thomas Bernhard est un immense texte, à la fois cruel et vertigineux. Le coup de génie de la metteuse en scène Aurore Fattier est d'avoir choisi Denis Lavant pour l'incarner. Le théâtre, ici, atteint des sommets.  



Expo











L'expo "2050, une brève histoire de l'avenir" a démontré la grandeur de l'art et ses responsabilités. Dans la foulée d'un essai signé Jacques Attali, elle a fait entrer de plain-pied les plasticiens dans le grand débat de notre avenir .  






Musique














Que serait devenu Alain Chamfort, sans le talent singulier  de son génial parolier ? Jacques Duvall, faux modeste, survole la chanson française depuis trente ans. Ce seigneur modeste et surdoué est aujourd'hui, déjà, rentré dans la légende.





Photographie 

Ne cherchez pas trop loin les traces l'Empire de Marie Sordat, elles se nichent aux creux des êtres. Entre violence et douceur, la photographe fait ressortir comme personne tout la complexité du vivant et de ses vastes secrets.   

samedi 12 décembre 2015

Le pape invisible




Je suis le pape aux hiboux, peint par ce vieux fou de Francis Bacon.

C’était en 1958, une année joyeuse pour la Belgique, et faste, disons-le, pour mon génial créateur. Il venait de signer un contrat en or avec la galerie Malborough, des Londoniens qui étaient sur le point d’ouvrir un deuxième lieu à Manhattan. Rapidement, ces affairistes doués et passionnés sont devenus son unique marchand. Les expos s’enchaînaient, les tableaux s’écoulaient, pendant que mon Francis se remplissait les poches ! Il s’était mis en tête de pasticher Velasquez et son Innocent X.. son cher Velasquez. Et c’est tombé sur moi. Après, il m’a un peu oublié, ses triptyques et ses crucifiés occupant tout son esprit et même davantage. Il ne jetait quasi jamais un oeil sur son vieux pape aux hiboux et passait le plus clair de son temps à New York.  Alors quand, 8 ans plus tard, le petit royaume joyeux a voulu m’acheter, je dois dire que j’étais plutôt soulagé, une nouvelle vie s’annonçait.
On était quelques impressionnistes - avec un Permeke, un Van Den Berghe et un de Smet -  à avoir débarqué à Bruxelles en 1966. Je vois encore les camions dans la rue de la Régence. On nous manipulait avec des précautions de chirurgien. Peu de temps après,  les autres sont arrivés, ceux qu’on appelait, avec un petit sourire, les surréalistes, des Magritte bien sûr,  le local de l’étape, mais aussi un Picabia, un Klee, un Matta, et puis des Delvaux, l’autre Belge.  Beaucoup étaient achetés comme nous, d’autres provenaient de dons. Je me souviens qu’à l’époque le nom d’un certain Boël revenait souvent dans les conversations de couloir.

Ca a été de belles années. On se précipitait dans les salles du musée pour nous voir. Ma tronche tordue faisait toujours son petit effet, surtout chez les dames. La plupart d’ailleurs affichaient des mines de dégoût, certaines poussaient même jusqu’à faire semblant de ne pas me voir. Mais, décliné en carte postale, mon portrait faisait fureur à la boutique.

Francis Bacon est mort en 1992, loin d’ici, à Madrid. J’ai appris la nouvelle par les journaux.  Durant cette période,  beaucoup de visiteurs s’arrêtaient devant moi, silencieux. Certains étaient très émus. Mais pas autant que votre serviteur : j’étais maintenant complètement orphelin, avec l’éternité devant moi.  

D’autres années ont passé jusqu’à ce triste matin de 2009. Des hommes sont venus pour enlever tous les Magritte. ‘L’Empire des lumières’ , ‘l’Homme du large’ et même la belle ‘Shéhérazade’, pour laquelle j’avais un petit faible. Tous ont été décrochés, emportés dans un nouveau musée rien que pour eux, à deux pas d’ici. Nous, avec les copains, ça nous a fait bizarre. Mais ça n'était encore rien à côté de ce qui allait nous tomber sur le coin du cadre quelques années plus tard. Le type qui avait lancé ce musée Magritte a eu l'idée de créer, à l’endroit pile où l'on se trouvait, un nouveau lieu consacré à l’Art Moderne, affublé d'un nom sonnant comme une cloche d'église un jour d'enterrement : le Musée Fin de siècle. Pas de bol pour nous, la période couverte stoppait net sa course en 1914 ... Faites le calcul,  c'est simple, j’étais ‘out', complètement ‘out’. Du coup, c'est carrément tout un tiers de la collection qui s’est retrouvée du jour au lendemain dans les réserves, dans le noir, loin du public. On était devenus invisibles… le comble pour des tableaux. Parfois je repensais à Francis Bacon, qui de son Angleterre  devait royalement ignorer tout ce cinéma, j'avais mal au coeur. 

Depuis, on nous a trimballé d’espoir en espoir. Il y a cinq ans, j'ai appris par hasard que Bruxelles avait signé un contrat avec l'Etat pour nous sortir de là. La ville lui avait loué un vieux bâtiment dans le centre à deux pas, ça ne s'invente pas, de la Mort Subite. Le ‘Post Modern Lab’, comme ils l’appelaient pompeusement, devait ouvrir ses portes et promettait de nous sortir enfin des oubliettes à la fin de cette année.  Mais entre temps, les girouettes de la politique belge ont changé de cap, et,  une responsable politique a annoncé - comme tombée du nid et avec un fort accent flamand - : " Tout le monde reste à la rue de la Régence, on ne se disperse pas". Et en roulant les r, elle a même rajouté  : "On trouvera bien de la place pour les caser tous". 
Ouais. Sauf que d'après les spécialistes, il nous fallait un sacré espace pour respirer, et que c'est justement cet espace qui faisait tant défaut à ce musée. 

Depuis les réserves, la pape aux hiboux, qui vous parle, est aujourd'hui bien fatigué. Le moment de refaire enfin surface dans des conditions correctes s'éloigne chaque jour un peu plus. 

D'ici, par le soupirail,  j'entends les bruits et les rumeurs de la rue de la Régence, les trams, les voitures aux heures de pointe, les talons des femmes pressées... Je suis devenu, depuis maintenant sept longues années, le pape invisible. 
        






dimanche 18 octobre 2015

Captif

     - On caille dans cette bagnole, remonte ta vitre bordel.

Je regarde le profil de mon collègue cameraman, les doigts vissés sur son volant, me demandant  à quoi il peut bien penser en ce moment. Je n’ai pas froid mais je remonte la vitre. Pour lui faire plaisir, pour le calmer, pour me calmer aussi. Peut-être d'ailleurs est-il tout aussi nerveux que moi. Je ne lui pose pas la question. Je songe à ma soirée d’hier, seul chez moi , à  visionner des  films, à rattraper le temps perdu.  Les yeux embués devant La Captive (mais comment ai-je pu passer autant d’années en ignorant ce film).  
Une visite dans le frigo avant d’attaquer Je, tu , il , elle. La nuit s’enfonce autour de moi , mais mon esprit se scotche à l’écran de télé, ébloui devant cette nouvelle grammaire de l’image.  Cette façon unique, audacieuse mais aussi fragile, je le sens bien, de réinventer le cinéma.  Avec des ombres et des creux partout. Des silences et des non-dits dont on pressent la nécessité pour la cinéaste de les préserver. Sans doute pour se préserver elle-même  d’un naufrage qui la guette depuis l’enfance. Les spectres ne disparaissent jamais. On couche toujours avec des morts, prétendait, lucide, Leo Ferré.  
Maso , je plonge un peu plus dans l’enfermement et l’aliénation en entamant, après un deuxième passage dans le frigo,  les trois heures vingt filmées au scalpel du quotidien de Jeanne Dielman, un film qui me semble parfait de bout en bout. 
La perfection m’étouffe. Je sors. Il est trois heures du matin, tant pis. Je travaille demain. Tant pis. D’ailleurs demain je ne travaille pas, je vole. Je prend ma voiture, file vers le centre-ville, vagabonde autour du 23 quai du commerce, dont le rez est aujourd’hui occupé par une insipide agence immobilière. Rassasié, je rentre chez moi. Il est quatre heures du matin. Je sais que je ne trouverai pas le sommeil. Pas cette nuit. Plus jamais peut-être.


Et maintenant je suis dans cette voiture avec mon collègue. Qui se gare avenue Churchill. Je tremble. J’ai du mal à ouvrir la portière. Je finis enfin par sortir. Le doigt sur la sonnette,  je sais déjà que cette interview me bouleversera. Nous sommes en février 2012.  
Et je suis, depuis, captif. 

vendredi 31 juillet 2015

Foire du Livre : les liaisons dangereuses



Ana Garcia, à la tête de la Foire du Livre depuis 20 ans, vient d’être licenciée par son Conseil d’administration. Une surprise de taille pour celle qui incarnait depuis longtemps avec force et conviction cet événement culturel annuel, même si elle avoue qu’elle s’y attendait un peu.

Joint par téléphone,  le président du Conseil d’administration Hervé Gérard nous confirme que la décision a bel et bien été prise à l’unanimité ce 27 juillet à l’occasion du dernier Conseil d’administration. Mais rien ne filtre, par contre,  sur les motifs de ce licenciement.  Le Conseil d’administration préfère réserver ses informations détaillées et argumentées à Ana Garcia, ajoutant, à demi-mot, qu’il regrette les fuites dans la presse, En effet, à l'origine, l’affaire ne devait être rendue publique que dans le courant du mois d’août.


Une dernière édition décevante.

Depuis plusieurs semaines, et à l’issue d’une 45ème  édition de la Foire du Livre plutôt décevante (avec seulement 60.0000 visiteurs) , une réflexion de fond était en cours, les administrateurs désirant voir une évolution radicale de la Foire du Livre, et mieux ancrée  dans son époque. « C’est vrai qu’on veut créer une nouvelle dynamique, précise Hervé Gérard, et cela doit se faire avec une nouvelle direction », comprenez sans Ana Garcia.  Et Hervé Gérard de conclure : « ... mais j’insiste pour dire qu’il n’y a aucun problème personnel avec Ana, qui a fait du bon boulot ».

De son côté Ana Garcia affirme être littéralement sur les genoux. Le jeudi 30 juillet, elle apprend son licenciement par l'intermédiaire du coup de fil d’un journaliste de la Libre Belgique. Aucune lettre, aucun coup de fil. Juste, ce vendredi matin , un recommandé arrivé à la poste.


"On a voulu me mettre sous tutelle".

Récemment davantage de pouvoirs et de responsabilités lui avaient conférés, pour lui être ensuite, dit-elle, reprochés : « J’ai senti clairement qu'il y avait dans leur chef une volonté de modifier le profil de ma fonction ainsi que mes responsabilités. J’ai voulu me défendre, en leur envoyant toute une série de questions mais elles sont toutes restées sans réponse… On m’a ignoré ».

Les tensions ne datent pas d’hier, et remonteraient même à plusieurs années. En 2008, le Conseil d’administration, déjà présidé par Hervé Gérard, avait organisé un audit. L Ana garcia avait été blanchie à l’époque. « Mais le ver était dans le fruit, précise-t-elle, amère, "On a voulu me mettre sous tutelle car mon franc-parler devait gêner certains".
es responsables de la Foire du Livre dénoncaient alors ce qu'ils considéraient comme de l'opacité dans les comptes


Celle qui est désormais l’ancienne commissaire de la Foire du Livre compte bien ne pas en rester là et se défendre. Ironie du sort, le thème de la dernière Foire du Livre qu’Ana Garcia a dirigé tournait autour des "Liaisons dangereuses".  
Un thème qui trouve dans le conflit qui se noue aujourd'hui un étrange écho.



mercredi 15 juillet 2015

Cinéma : ces écoles privées ... de diplômes

     
       



Jusqu’ici, pour les aspirants aux métiers du cinéma, l’enseignement artistique en Belgique francophone semblait être relativement épargné par les cours privés. Mais depuis quelques temps, dans la foulée des cours Florent, le vent tourne, car certains nez venus d'ailleurs et particulièrement affutés ont flairé chez nous un marché intéressant, pour ne pas dire lucratif. A côté des écoles dites ‘classiques’ IAD, INSAS et INRACI, avec leurs barrières sélectives d’examens d’entrée et leur diplômes agréés,  de nouvelles écoles ou cycles de cours font peu à peu leur apparition à Bruxelles.
Focus sur les deux derniers arrivages.


L’Esra

D’emblée la couleur est annoncée par Max Azoulay, président du groupe Esra : "Mais oui c'est sûr, nous sommes une entreprise, et nos élèves sont des clients". "Et en 3 ans, s'empresse-t-il d'ajouter, lEsra fera de vous un réalisateur télé, cinéma, un monteur  etc.. ".
Portes ouvertes, affichage dans les bus et métros, en rue, sur les sites internet, difficile  d'ignorer l'arrivée de cette nouvelle école à Bruxelles. L’Esra débarquera dans la capitale en octobre  rue du beau site, à deux encablures du Châtelain, le coeur du quartier des expats français, public directement ciblé.  Derrière ce nom se cache le 'groupe Esra', fondé en 1972 à Paris, et implanté également à Rennes, Nice et dès la rentrée prochaine à Bruxelles.  D’après ses propres chiffres (difficilement vérifiables), l’Esra compterait 5000 anciens élèves actifs dans les milieux du cinéma. Ce qui placerait ce groupe en tête de peloton des groupes privés de formation en France pour les métiers de l’image et du son. Et pour encore ajouter une couche à ce rêve éveillé, l’Esra propose à ses chers élèves rien de moins qu'une année optionnelle à New York,  à condition toutefois d’avoir suivi et réussi 3 années dans l’école. Le problème, c’est que l’Esra n’est pas reconnu en Belgique, et qu'il n'y a donc pas d’équivalence de diplôme. Quant aux frais, ils plafonnent aux alentours des 6750 euros par an et on vous demandera de débourser 1950 euros dès l’inscription. Max Azoulay justifie ces frais par le coût du matériel. Dans un discret bas de pages du catalogue de L'école, on relèvera que cette somme ne comprend pas les frais de transports, de décors et  de rémunération de comédiens, lors des tournages qui sont pourtant organisés par l'école... Il ne faut pas trop demander tout de même. 



Les cours Raindance



Les cours Raindance, eux, ont décidé de brasser large, ils s’adressent autant aux cinéphiles, qu’aux aspirants réalisateurs et même aux producteurs.
Débarqués à Bruxelles il y a à peine quatre ans, ces cours de cinéma ont été fondés il y a plus de vingt ans à Londres par le producteur canadien Elliot Grove, l'homme qui est à l’origine du Raindance Film Festival en 1993 et du British Independant Film Award en 1998.  
La formation s’étale sur cinq week-ends, elle porte sur l’écriture, la réalisation, la production et l'histoire du cinéma. Elle se limite à des cours théoriques,  aucune formation pratique n'est prévue, et, dans le cas où cela intéresserait un éventuel futur cinéaste, Raindance Brussels renvoie à différents ateliers comme le CVB, le Kino Kabaret, l'atelier Alfred....  Cinq week-ends vous coûteront 765 euros. Ces cours, qui se donnent au centre Dansaert ne débouchent, ici encore, sur aucun diplôme reconnu, les responsables avouent d'ailleurs n'avoir fait aucune démarche dans ce sens. De peur d'essuyer un vent..?



dimanche 21 juin 2015

Ne plus se retourner


"C'était quand même une sacrée vue ", se dit-il en ce matin de mars  1976. Devant lui, aux pieds de la tour Philips, le coeur de Bruxelles se réveille à peine. Jean noue lentement sa cravate, jette un oeil distrait sur les dossiers du jour déposés par Rose, sa secrétaire. Il pense brièvement à son père, à sa série de romans "Largo Winch" aussi, dont les couvertures  éditées au Mercure de France trônent dans une vitrine au fond de la pièce. 
Dans quelques minutes, il va descendre cinq étages et remettre sa démission à son directeur.
Dans quelques jours, il l'ignore encore à cet instant, il va croiser le chemin d'Huguette Marien, qui deviendra sa femme. Ils feront ensemble le tour du monde.  
Dans quelques semaines, en août, il va rencontrer Grzegorz Rosinski, génial dessinateur polonais qui le persuadera de revenir à la bande dessinée. 
Il est 9h00, Jean Van Hamme ferme la porte de son bureau de 'fondé de pouvoir général'.
A partir de cet instant, il ne se retournera plus.







dimanche 29 mars 2015

Quand l'interviewé vous surprend ...





Libre, modeste, génial... Grzegorz Rosinski, le dessinateur de Thorgal,  m'a complètement surpris et enchanté.
12 minutes de vrai bonheur pour un journaliste.

Et donc, naturellement, l'envie de partager ce moment rare avec vous...