« Hélas mon
pauvre argent, mon pauvre argent, cher ami ! On m’a privé de toi ; et
puisque tu m’es enlevé, j’ai perdu mon
support, ma consolation, ma joie ; tout est fini pour moi, et je n’ai plus
que faire au monde ! Sans toi, il m’est impossible de vivre.»
Cette réplique fameuse d’un Harpagon désespéré m’est subitement revenue
à l’esprit ce matin en apprenant la décision prise par le célèbre cours Florent parisien d’ouvrir une antenne à Bruxelles et, avec elle, les portes monnaies des
candidats comédiens. Et l’école privée de formation d’acteurs n'a pas perdu de
temps. D’ici quelques jours, les futurs
élèves seront invités à suivre un stage d’accès au cours (sic), pour la modique somme de 390 euros.
Ensuite, s’ils font partie des heureux ( ?) élus, ils devront débourser chaque
mois 380 euros, ce qui nous amène, tout frais compris, aux alentours de 4000
euros pour l’année. Pour un rythme scolaire de 9 heures de cours par semaine,
le tarif exigé est plutôt haut de gamme…
Mais comment l’explique-t-on ?
Créé à Paris en 1967 par François Florent, le cours qui
porte son nom vient d’être racheté par Studialis,
un des plus grands réseaux français d’écoles privées, contrôlé depuis 2010 par Bregal Capital, une société familiale
hollandaise basée à Londres. Studialis
possède 24 écoles, essentiellement de management comme ESG (parrainée par l’ancienne ministre
de l’Ecologie Nathalie Kosciusko-Morizet) et des écoles d’art et création,
parmi lesquelles on retrouve l’Iesa qui
forme des marchands d’art ou encore le Strate
Collège, une école de design industriel. Les actionnaires hollandais, qui
par ailleurs ont plusieurs intérêts aux Etats-Unis dans l’éducation primaire et
secondaire, ne cachent pas leur ambition : faire du chiffre. Pris dans la
tourmente depuis cette prise de contrôle, le cours Florent est donc depuis peu en plein
déploiement. A commencer par la France où des succursales ont fleuri un peu partout, à Rennes, Montpellier et Bordeaux. Mais aussi
en Chine et ces jours-ci chez nous, à Bruxelles. Le cours Florent se situe donc
clairement sur une ligne de for profite School. On comprend dès lors beaucoup mieux pourquoi les responsables de cette école se laissent tenter par des factures
élevées.
Reste l’épineuse question des débouchés. En Belgique
francophone, une fois son diplôme en poche, le jeune comédien se retrouve sur
un marché de l’emploi étriqué, pour ne pas dire plus. On compte chez nous 5
écoles publiques qui forment des acteurs : l’Insas, l’IAD, et les
conservatoires de Bruxelles, Liège et Mons. Le directeur du cours Florent ‘belge’
promet à ses futurs élèves des débouchés multiples en Belgique. Mais au regard de la crise sévère
que traversent en ce moment les professionnels de la scène – en moyenne, un comédien sur 10 trouve un emploi dans sa profession -, cela équivaut ni plus
ni moins à jeter de la poudre aux yeux.
Pas sûr, au vu de ce contexte, que la famille hollandaise de Bregal
Capital ait misé sur le bon cheval…
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