dimanche 23 mars 2014

Borremans : le peintre trompe l'oeil




Au départ, tout paraît simple et, disons–le,  banal. Comme une répétition de peintures anciennes mille fois peintes et mille fois vues. Prenons L'ange de la mort, par exemple : haute silhouette de femme portant une longue robe rose ‘à la Disney’.  Pose classique. Mais très vite le  visage prend toute la place,  un visage qui est une peinture en soi, et ce visage est noir. Plus loin, dans les couloirs de Bozar qui consacre (enfin !) un exposition à l'oeuvre de Borremans, une fillette couchée. Dort-elle, est-elle morte, ou se moque-t-elle de nous ?  Insidieusement,  les tableaux de l'artiste flamand nous  hypnotisent. Et les énigmes affluent. Visages aux yeux vides, corps sans jambes, brusques changements d'échelle, gestes absurdes. Et une violence sourde qui s’installe. Comme un secret.


A Grammont pourtant, la vie paraissait si limpide. Les années 60, les bords de l’Escaut, le magasin de fleurs de maman,  les virées à Gand, les cours de photo.
Un jour, Michaël tombe sur une reproduction d’un Velasquez. Un jour où tout basculeLe maître espagnol va alors le hanter durablement. Dans son atelier de St-Amand - une chapelle désaffectée -  Borremans se met à travailler et retravailler les peintures historiques de Velasquez.  Et celles de  Goya. Et ensuite Manet. Il y fait entrer de la subversion. Comme pour démontrer l'absurdité de la vie.  Il peint au culot et à l'audace. Trompe l'oeil. Trouble l'oeil. Son oeuvre se peuple d'énigmes mais sans jamais tomber dans l'hermétisme. Désormais Borremans - au départ graphiste et photographe - va se consacrer presqu'exclusivement à la peinture. En 2005, repéré par le critique d'art Jan Hoek, il se voit proposer une première rétrospective au S.M.A.K. A Gand. Dans sa ville.  Succès immédiat. A la fois critique et populaire. Les médias s'emballent, le groupe de rock dEus lui commanda même une pochette d'album.




Les expos vont alors s'enchaîner, à commencer par  le 'Cleveland Museum of Art' à Cleveland puis à 'La Maison Rouge Fondation Antoine de Galbert',  boulevard de la Bastille à Paris. Ensuite, le MoMa, le musée d'art contemporain de Denver, le Palazzo Grassi à Venise. A chaque fois,  l'artiste belge et ses personnages mutiques déconcertent  en même temps qu'ils fascinent le public. On pense à Richter, à Sigmar Polke. Avec Luc Tuymans et Thierry de Cordier, il est considéré aujourd'hui comme un des peintres belges les plus importants. Et les plus cotés. Certains de ses oeuvres atteignent les 430.000 euros. Et de New York à Tokyo, les plus grands collectionneurs se l'arrachent.


Ces derniers temps, Michaël Borremans, toujours aussi énigmatique,  s'est pourtant un peu écarté de la peinture sur tableau. Il travaille sur des espaces à trois dimensions, prépare une fresque murale pour la Halle communale de Gand (une commande de l'architecte Pol Robbrecht) et se rapproche du cinéma qui reste, avec la littérature, une de ses grandes passions. Un de ses films fétiches est Frenzy, l'avant-dernier film d'Alfred Hitchcock réalisée en Angleterre en 1972. Un film troublant, angoissant, absurde aussi. Et qui avait évidemment tout pour plaire à Borremans.







Michaël Borremans, "As sweet as it gets"   Bozar
Commissaire : Jeffrey Grove
Jusqu'au 3 août au Palais des Beaux-Arts
www.bozar.be
Carte blanche de l'artiste à la cinémathèque de Bruxelles, choix de quinze films projetés en mars et en avril.
www.cinematek.be





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