vendredi 4 avril 2014

Le crépuscule de Genet






Dans le cimetière chrétien de Larrache, écrasé sous le soleil,  j’ai longtemps cherché la tombe de Jean Genet. J’ai fini par la trouver au bout d’une allée vide et sèche.  Une stèle blanche, en marbre, sans croix, avec deux dates gravées : 1910 - 1986.  Nul bruit tout autour sauf celui, à peine perceptible, de l’océan,  quelques dizaines de mètres plus bas, aux pieds des falaises de Larrache.
L’Atlantique, le Maroc, et Mohamed. Son dernier ami. Un peu plus loin dans la ville, Jean Genet lui avait fait construire une maison.  Grande, spacieuse, à la française. Et surtout avec une bibliothèque.  Il avait croisé Mohamed Katrani quelques années plus tôt dans les rues de Fès. Le jeune homme avait fui l'armée et errait dans les souks de la vieille ville. Il lui renvoyait sa propre image : désertion,  délinquance, vol, prison. L'écrivain français l'a aussitôt pris sous sa protection, s'est arrangé  pour lui trouver un passeport et le faire venir à Paris. En France, Mohamed s'est marié,  un fils est né. Et Genet choisit le prénom,  Ezzedine,  en hommage  à Ezzedine Kalak, représentant de la Palestine à Paris et  assassiné en 1978. 


Jean Genet est mort le 15 avril 1986 dans une chambre d’hôtel, à Paris.
Entre temps, Mohamed et Ezzedine étaient rentrés à Larrache où Genet revenait souvent. Il considérait d'ailleurs Ezzedine comme son petit-fils. Un soir, à Rabat, il a retrouvé Leila Shahid, une amie palestinienne de Paris, proche de Kalak et installée depuis peu au Maroc avec son mari, l'écrivain Mohamed Berrada. La Palestinienne exilée fascine l'auteur des Bonnes et du Balcon. Ils se voient alors de plus en plus fréquemment. Parlent de leurs amours  ( - A chacun son Mohamed, lachait souvent Leila, en forme de boutade), de leurs combats. Et bien sûr de la Palestine. L'écrivain, abandonné dans l'enfance par ses parents, veut comprendre l'exil et l'enfermement d'un peuple.  Il veut voir les camps, parler aux réfugiés. Il tente de persuader Leila qui hésite. Leila, la Beyrouthine, n'a plus vu le Liban depuis bien longtemps.  En septembre 1982, elle se décide enfin. Ils partent pour Beyrouth. Leur avion se pose au moment où, au sud de la ville, commence les massacres de Sabra et Chatila. Crépuscule.

La vision d'horreur de ces massacres ne quittera plus Genet jusqu'à sa mort, quatre ans plus tard. Il écrira deux livres sur le sujet : Quatre heures à Chatila et Le captif amoureux, dédié au peuple palestinien.


Depuis 2005, Leila vit à Bruxelles, avec Mohamed Berrada. Depuis peu, elle est ambassadrice de la Palestine auprès de l'Union européenne, de la Belgique et du Luxembourg.



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