mardi 27 mai 2014

Un poète s'est évadé



Dans la bibliothèque familiale, à Givry,  il m’observait depuis longtemps. Je le sais. Coincé entre les Mémoires du Général Paton et un vieil ‘Amour de Swann’ en 10/18 écorné, il me voyait, certains soirs d'hiver, entrer à pieds nus, venir effleurer sa tranche, rester un instant devant lui - minute éternelle et silencieuse -  puis repartir doucement dans la maison endormie ... Mais il était patient, le livre. Il savait bien que je finirais par craquer un jour. Quelques années plus tard, bien après la mort de mon grand-père,  je me suis enfin décidé à ouvrir Un été dans la combe. Le choc. 



Depuis j’ai dévoré méthodiquement toute l'oeuvre de Jean-Claude Pirotte, de La pluie à Rethel jusquà Brouillard, dernier et sublime opus de cet éternel adolescent toujours en cavale. Et qui se savait condamné. Je lui devais tellement. Tant de portes ouvertes…la poésie retrouvée, la rébellion, les vins d'Arbois, les livres oubliés d'André Dhôtel et d'Henri Calet,  la vallée la Meuse, la Hollande. Et par monts et par vaux, en cavale à mon tour,  j'ai trainé mes vingt ans et mon admiration pour ce poète évadé jusqu’en Bourgogne et aux confins du Jura, précisément là où il s’est éteint il y a quelques jours. 



Dans ma vie d'homme aujourd'hui, loin de la bibliothèque endormie de mon grand-père, 
il y a un peu de Jean-Claude Pirotte. De sa liberté. Et de ses braises, qui m'aident à vivre.     


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