dimanche 17 novembre 2013

Lire entre les lignes




Au moment  de sortir m'acheter une liseuse (je parle de la tablette, pas d’une femme qui lit) , je tombe sur la nouvelle émission littéraire de la VRT   titrée Man over boek et diffusée sur Canvas. Les producteurs de l’émission, sans doute à la recherche de sensations fortes  - car simplement parler du contenu des livres, c'est ennuyant, n'est-ce-pas  -   ont une démarche plutot intrigante : effectuer une analyse bactériologique des dix livres les plus empruntés d'une bibliothèque d’Anvers.

 Pour avoir l'air un tantinet crédible, ils n'ont dès lors pas hésité à faire appel à du lourd, deux éminents professeurs de la KUL, Johan Van Elderen et le fameux Jan Tytgat, celui-là même qui avait récemment examiné un cheveu de la judoka Charline van Snick, accusée d’avoir pris de la cocaine lors des derniers championnats du monde de judo à Rio. 
Cette  fois, nos deux compères sont sortis de la bibliothèque anversoise les bras chargés de livres pour  rejoindre dare dare leur laboratoire, suivis à la semelle par les caméras de la télévision flamande. Quelques heures plus tard, ils en ressortent fatigués et la mine visiblement préoccupée. Les résultats de l'analyse sont étonnants : les dix livres contenaient des traces de cocaïne. Oh certes, pas grand-chose, quelques pictogrammes de coke glissées ça et là entre les pages,  les uns sous la couverture, les autres coincés entre deux chapitres...


Mais il y a pire (oui...). Sur le roman Cinquante nuances de Grey, de E.L. James, nos valeureux chercheurs ont décelé en plus de la cocaïne des traces d’herpès, une maladie, on le sait, sexuellement transmissible. 
On imagine avec effroi et dégoût ce qu’ils auraient trouvé si les anversois étaient des lecteurs assidus d'E.E Schmidt.



Du coup,  cette liseuse tant désirée m'est soudainement apparue comme une évidence. Une tablette, c’est sain, inodore, incolore, insipide, on ne risque pas d'attraper des crasses, voire d'y laisser sa peau. Et son esprit.

Le bon de commande dans une main, je piétine dans la file du magasin d'électronique, hésitant encore. Cette tablette va t-elle vraiment me protéger ? Les livres sont-ils à ce point devenus des objets nocifs ? Ces questions sont à deux doigts de me faire chavirer, quand mes yeux, qui se sont égarés, s'arrêtent, incrédules, sur la couverture de Billie, le dernier Gavalda.
Et, dans le même instant, distinguent entre des larmes de bonheur, un vendeur remonter la file, avec, dans les bras, ma chère et tendre liseuse.

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