Le Bruxellois Jean-Philippe Toussaint a t-il une réelle chance de remporter demain le très
convoité prix Goncourt ? L’auteur de Nue se retrouve, sans grande surprise, dans le dernier carré des finalistes de ce prix en
compagnie de Karine Tuil (L’invention de nos vies) de Frédéric Verger (Arden) et de Pierre Lemaitre (Au
revoir là-haut )
Mais ne serait-il pas plus juste de dire : 'en compagnie
de Grasset, Gallimard et Albin Michel ?'
La vraie question devient alors : Les Editions de
Minuit (qui publient J-PH Toussaint) ont-elles une réelle chance de remporter demain
le très convoité prix Goncourt ?
Car au delà de l’histoire d’amour – au style maitrisé,
brillant, ironique - entre le narrateur et Marie, il faut compter avec les
amitiés, les clans, le marchandage.
Il est par exemple intéressant de se demander comment se
portent économiquement
aujourd'hui les Editions de Minuit. Et la question n’est pas si anodine.
En 1984, Marguerite Duras avait décroché avec L’amant
le 1er prix Goncourt de l'histoire de 'Minuit'. Mais d’après plusieurs sources, dont Jerôme Lindon lui-même (ancien directeur des Editions de Minuit), elle n’aurait reçu ce prix que grâce à un don de 100.000 francs octroyé par
François Mitterrand (proche de l’écrivain) à la fondation Goncourt... Et à l'époque, ce prix
aurait par ailleurs permis aux Editions de Minuit d’éviter le dépôt de bilan.
Et puis, il faut bien tirer un constat : les Editions
de Minuit, malgré l'immense talent de leurs auteurs, sont bizarrement peu coutumières des
prix parisiens. A part Duras, seulement deux Goncourt ont été emporté par des auteurs de 'Minuit' , l’un
en 1990 avec Les champs d’honneur de Jean Rouaud, l’autre pour le Je m'en
vais de Jean Echenoz.
On pointera tout de même, et ça n’est pas des moindres, deux Prix Nobel de littérature grâce à Beckett et Claude Simon. Mais on est ici loin du milieu littéraire parisien, de ses réseaux et de ses influences. Car même si depuis 2008, il est désormais interdit à tout membre du jury d’être salarié par une maison d’édition, cela suffit-il à garantir l’impartialité du Goncourt ?
On pointera tout de même, et ça n’est pas des moindres, deux Prix Nobel de littérature grâce à Beckett et Claude Simon. Mais on est ici loin du milieu littéraire parisien, de ses réseaux et de ses influences. Car même si depuis 2008, il est désormais interdit à tout membre du jury d’être salarié par une maison d’édition, cela suffit-il à garantir l’impartialité du Goncourt ?
Ironie de l'histoire, les Editions de minuit ont commencé dans la clandestinité, en
1942. Avec Le silence de la mer, écrit sous le pseudo de Vercors, en réalité un certain Jean
Bruller, dessinateur et co-fondateur avec l'écrivain Pierre de Lescure de cette maison d’édition. Le nom de 'Minuit' rappelle d'ailleurs le courage d'un petit groupe d'éditeurs et d'imprimeurs qui a pris des risques infinis pour sortir des plaquettes où se croisaient sous des pseudonymes, des auteurs comme Aragon, Eluard, Mauriac et John Steinbeck.
S'en suivront plus tard d'autres formes de courage, plus artistiques cette fois, comme celui de publier des gens comme Bataille , Paulhan, Beckett ou encore Les gommes de Robbe-Grillet, à l'origine du Nouveau Roman.
Et si cette maison d'édition payait encore aujourd'hui , et injustement, le prix de ces années de fronde et d'opposition à la bienséance ?
Seule une remise demain du prix Goncourt à Jean-Philippe Toussaint, qui le mérite vraiment, viendra démentir, pour un temps, cette triste hypothèse.
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