dimanche 10 novembre 2013

Ras-la-houpette




Il y a deux mois, un vent mauvais a déposé une lettre recommandée dans les mains de Gilbert Weynans. Cet artiste et galeriste bruxellois, ami d’enfance d’Hergé, était  mis en  demeure par la société Moulinsart de détruire toutes ses bouteilles 'Tintin'. Explications (Marie-Noëlle Dinant, Télé Bruxelles) -copyright Moulinsart-Hergé-






Une décision marquée du sceau de la fermeté, propre à Nick Rodwell, peu enclin, on le sait, à la négociation.
Pourtant,  l’homme d’affaire anglais qui partage en Suisse son chalet et sa vie avec Fanny, la veuve d’Hergé, semblait ces derniers jours s’être un poil déridé. Et, miracle,  il aurait même été jusqu’à donner des interviews à des journalistes… Il faut dire que depuis quelques années, les bijoux de la Castafiore brillent d’un moins bel éclat. Les garants de l’œuvre d’Hergé ont donc besoin d’argent. Et pour cela, ravalent leur orgueil.





En point de mire, le musée Hergé, créé en fanfare il y a quatre ans à Louvain-la-Neuve et qui aujourd’hui a les allures d’un navire qui prend l’eau. Car le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on ne s’y bouscule pas. Les derniers chiffres annuels annoncent au mieux 80.000 visiteurs, là où on en espérait 200.000. Un échec cuisant dû entre autres à l’éloignement avec la capitale et donc la difficulté d’y attirer les touristes d’un jour.  Mais ce n’est pas la seule explication. Le musée pèche par manque d’interactivité, notamment à destination des enfants. Et est considéré par beaucoup de visiteurs comme trop sérieux, trop ‘adulte’. Un peu comme si Tintin n'était maintenant plus réservé qu'aux lecteurs de 27 à 77 ans.  Ce à quoi il convient d'ajouter une communication déplorable avec les médias, qui ne sont pas prêts d’oublier le jour de l’ouverture du musée où cameramen et photographes ont été priés de rester devant la porte...
Mais aujourd’hui, basta, changement d'attitude,  Nick Rodwell est dans la dèche et réclame à cor et à cri de l’argent public.


En attendant, il peut toujours se consoler avec une manne d’argent privé. Et tout frais, s’il vous plaît,  qui provient de … la maison  Casterman elle même. Hasard troublant, L’éditeur historique de Tintin, qui était en grippe avec Rodwell,  vient tout juste de changer d’actionnaires et d’équipe éditoriale en plaçant à sa tête, après la démission de Louis Delas, une certaine Charlotte Gallimard, une des quatre filles d’Antoine Gallimard. L’éditeur Casterman s’est engagé à verser à la société Moulinsart 50.000 euros par an et pendant 3 ans… On peut enfin respirer. A tel point que les amis réconciliés envisagent prochainement  de monter un film ou un dessin animé sur Jo et Zette. Et ce n’est pas tout.  L’euphorie ambiante (et le calcul… ?) s’est emparé des ayants droits. Ils viennent d’annoncer la sortie, mais oui,  d’un toute nouvel album de Tintin pour… 2052, soit un an tout pile avant que l’image du reporter et de son chien tombe dans le domaine public, septante ans après la mort de son créateur.  Nick Rodwell, celui que "Libé" avait surnommé le chien de garde de Milou,  empêche ainsi quiconque, d’ici cette date - et si possible au-delà - , de faire n’importe quoi avec son gamin à la houpette. 

D'ici là, beaucoup d'eau coulera encore sous les ponts mais les contrefacteurs et autres chapardeurs de l'oeuvre d'Hergé (n'est-ce pas Gilbert Weynans...) seront tenus à l'oeil par les avocats qui se succèderont à la société Moulinsart, et impitoyablement poursuivis. Cela au risque de momifier encore un peu plus l'image déjà bien figée de Tintin.

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